Dans l’ouest du Cameroun, aussi bien que la religion, l’art a une dimension socioculturelle importante. Bamiléké et Bamoun sont connus pour leurs techniques textiles mises en valeur à travers les tissus ndop. De manière générale, les textiles ont toujours fait partie de l’histoire ancienne des peuples africains. Il représente actuellement un patrimoine culturel important qui doit être protégé. Explications sur tous les bons à savoir à propos des tissus ndop !
Les tissus ndop en quelques mots
Un ndop ou ndoup est un tissu africain, généralement constitué d’une longue étoffe de coton d’une longueur de 3 à 15 m. Il se compose de 15 à 20 bandes de tissu de 5 cm de large, cousues bord à bord. Avec la queue de cheval décorée, ces tissus africains sont des symboles traditionnels bamilékés, symbole des sociétés secrètes, de la noblesse et des cérémonies. On s’en servait pour habiller les personnes de haute société. Le tissu ndop se distingue de par ses couleurs chatoyantes : violet, kaki, bleu ciel, turquoise, etc. Toutefois, les couleurs bleues et blanches sont les plus dominantes.
Ses nombreuses utilisations pratiques et symboliques en ont fait partie intégrante de la culture des habitants de Grassfield. Cependant, sa fabrication et son utilisation n’ont pas échappé à la modernité, voire à l’industrialisation, qui a modifié sa fonction symbolique et culturelle. Les Hollandais ont participé à l’introduction de ce tissu africain en Europe.
L’origine et l’histoire des tissus ndop
Le Nord-Cameroun est une région textile prééminente. Il joue un rôle important dans le processus de fabrication des tissus ndop. L’existence des tissus ndop à Grassfields remonte au 19e siècle. Bien avant que le tissu ndop ne soit fabriqué en Occident, le Wukari ndop, un autre tissu batik du Nigéria, était vendu localement. Ces tissus étaient monnaie courante entre les habitants de Grassfield et du Nigéria jusqu’au 20e siècle. Ainsi, l’arrivée de la monnaie en tissu et en papier.
Certaines sources suggèrent que l’origine de l’industrie du ndop au Cameroun est due à l’inspiration du roi Njoya, qui a commencé à produire le tissu à Foumban. Avant 1914, cependant, de tels tissus n’apparaissaient pas sur les photographies de la cour de Foumban.
Le ndop camerounais est apparu en 1920, coexistant avec le ndop de type wukari du Nigéria. Son processus de fabrication se déroule en 2 étapes :
- Le premier s’est produit dans la région de Garoua au nord du Cameroun et
- l’ouest du Cameroun est deuxième.
Comment fabriquer un tissu ndop ?
Obtenir le tissu ndop original suit un schéma assez étonnant. Le tissage est réalisé dans le nord, tandis que la teinture est réalisée dans l’ouest du Cameroun. Des travaux de surjet et de garniture sont également faits au côté de l’Afrique de l’ouest.
À Garua, 5 artisans font tourner manuellement le ndop. Le tissage est ensuite réalisé par des tisserands sur de petits métiers horizontaux. Ce dernier tisse un fin ruban de coton écru de 5 cm de large, appelé « gabaga », qui est ensuite vendu à des artisans de l’ouest du Cameroun.
Après leur retour de Garoua, ces artisans ont décidé de coudre les rubans bord à bord en de grands morceaux de tissu décoratif. Des maîtres artisans supervisent la qualité de chaque pièce. Ensuite, il y a le processus de vannerie, de poterie, de traçage avec des fourchettes en bambou coupées et des motifs. Ceux-ci sont réalisés à l’aide de raphia par des nœuds ou des ligatures de tissu.
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Les artisans ont peint les symboles caractéristiques du ndop sur une toile de coton blanche. Ils les cousent ensuite sur le fil de raphia à poings serrés. Cela peut prendre jusqu’à 1 mois pour fabriquer un très grand tissu à motifs de près de 15 m de long. En d’autres termes, la fréquence de production des tissus ndop peut être courte, même pour un artisan très travailleur. Les ouvrages ainsi brodés sont ramenés à Garoua par la route pour être teints à l’indigo. Ici, la coloration est réalisée en deux étapes :
- Tout d’abord, les artisans font tremper le ndop dans une solution de lessive alcaline à base de cendre de bois et d’urine animale pendant environ 20 heures,
- Le tissu est ensuite plongé dans le bain de teinture bleue pendant une dizaine d’heures. Puis, il est essoré et étiré avant d’être exposé au soleil. Ce dernier geste est important, car il provoque l’oxydation du colorant, ce qui donne la teinte bleue finale souhaitée. La teinture ne doit pas passer à travers les coutures, qui se laveront sur les tissus secs.
De retour en Occident, le fil est déroulé par des artisans. Le motif décoratif blanc se détache sur le bleu indigo du fond. Le raphia fait ici la même chose que la cire dans le processus d’impression du tissu à motifs. La couleur ne s’infiltrera pas là où le fil de raphia est cousu. Ces tissus ndop sont principalement vendus sur les marchés de Bandjoun, Foumban et Baham, principaux centres de production et de distribution.
Les tissus ndop : à quelle utilisation ?
À l’origine, porter du ndop n’est pas une mince affaire. Vêtement de cérémonie, l’usage du ndop est soit associé à la symbolique du pouvoir et du statut du chef, soit à des pratiques funéraires, agricoles et rituelles. Il servait même de linceul pour envelopper les restes de rois ou de célébrités pour l’enterrement.
Ce tissu coton est également utilisé comme accessoire pour confectionner des jupes des danseuses femmes africaines, des chignons, des ceintures et des bracelets en ndop.
Les motifs géométriques qui apparaissent sur les tissus ndop sont très représentatifs de la relation entre l’homme et la nature et au-delà (lune, soleil, étoiles, animaux, fleurs bleues, etc.). Ils peuvent aussi évoquer l’architecture. De même, les motifs géométriques peuvent être associés à des rayures, des garnitures architecturales et des meubles (cercles, croix, carrés, mosaïque, etc.).
L’aspect fonctionnel de la robe a été relevé lors des deuils, des funérailles et des fêtes agricoles précédentes. L’utilisation de vêtements traditionnels à des fins similaires a été observée chez les Igbo au Nigéria, les Ashanti et les Akan au Ghana et en Côte d’Ivoire.
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Évolution des tissus ndop dans le temps moderne
L’évolution du processus de fabrication ndop peut être observée à plusieurs niveaux tels que la technologie, l’utilisation et même la valeur marchande du produit.
Quant à la technologie de fabrication ndop, elle a beaucoup évolué au fil du temps. La technique fastidieuse des surpiqûres a peu à peu cédé la place à l’utilisation de la cire. Cependant, le résultat final n’est pas très authentique. Le motif est donc créé à partir d’une substance imperméable comme la cire de bougie ou la pâte de tapioca. Le tissu est ensuite trempé dans une solution de teinture, généralement à base de colorants industriels.
Un autre type de tissu plus populaire, dans le modèle de tissus ndop uniquement, est fabriqué industriellement. Les fabricants utilisent des techniques de production de pagnes Wax à base d’indigo ou encore d’impression directe. Aujourd’hui, le CICAM reproduit le motif ndop sur le pagne appelé « Collection Bantou » en 4 fonds de couleurs africaines : bleu, vert, marron et noir.
Par conséquent, il existe trois types de ndops :
- Original : qui est entièrement le travail d’artisans ;
- Tissus semi-finis : qui est fabriqué à partir de tissus d’origine industrielle et manipulée par des artisans. Mais utilisant des produits alternatifs et
- des reproductions industrielles : pales où seuls les motifs et les symboles s’inspirent de ndop.
Les tissus ndop d’aujourd’hui
L’une des difficultés que rencontrent les tissus ndop d’aujourd’hui tient à l’importance que la plupart des artisans accordent à sa valeur marchande. En fait, parce qu’ils sont si importants pour la défense de la tradition, ces tissus ont des effets paradoxaux importants. Peu à peu, ils ont perdu leur attrait artistique, notamment leur fonction symbolique.
Le ndop, autrefois réservé aux rois, célébrités et sociétés secrètes, est encore un tissu noble et cher, mais aujourd’hui il tend vers la popularité. Il tient une place importante dans la mode africaine. Auparavant, il fallait se rendre au marché du Grand Chef pour trouver le ndop, ou pour l’obtenir comme cadeau du chef. Aujourd’hui, il est disponible sur presque tous les marchés, à un prix acceptable pour tous, mais en contrepartie, sa qualité est souvent médiocre. Les couleurs s’estompent facilement au lavage.
Haute couture ou non, ce tissu aux couleurs vives et aux graphismes originaux fait partie intégrante de la culture africaine. Désormais, on utilise ce tissu pour la confection des habits et accessoires du quotidien : jupe, robe, chemisiers, pantalons, écharpes, cravate, serviette, nœud, tunique, kimono, polo, pantalons, rideau, couette, pull, blouson, slim fit, t-shirt, foulard, vestes, blouses, etc. Les habits en tissus ndop gagnent en popularité en France. Pour sortir des sentiers battus, s’habiller avec un vêtement fait de tissu ndop devient une tendance. C’est aussi le cas du tissu wax. Cependant, les procédés de fabrication ne sont pas les mêmes.
Si son savoir-faire artisanal est déjà rare, la matière et le motif se retrouvent désormais chez les créateurs de mode et de décoration. Dès lors, de nombreux créateurs africains aiment le revisiter. Ce fut le cas des artistes Ly Dumas ou Martial Tapolo, dont le travail a été présenté au Gotha Noir Gala en décembre 2012.